Un logorallye... qu'est-ce que c'est ?
Je viens de retrouver un texte écrit pour un atelier d'écriture où j'étais très active il y a encore quelques mois...
La consigne était la suivante :
voici l'histoire qui a germé dans ma petite tête !
Eugénie et Irénée
ou
"Une Avalanche de regrets"
Un certain flottement, une vague de rancoeurs informulées, chaque automne, comme une ritournelle immuable, apporte à Eugénie, mêlée d’une certaine nostalgie, une avalanche de regrets…
Du seuil de sa maison, à deux pas de l’église, Eugénie, comme chaque jour depuis tant d’années, observe la maison d’Irénée. Une ruelle les sépare, aussi infranchissable que le silence qui s’est installé entre eux depuis exactement 48 années.
Il a beau comme à l’instant pérorer sur son escabeau, l’air faussement absorbé par la bataille dans le caniveau de deux volatiles prétentieux et bavards pour une once de graisse et un bout de radicelle, Eugénie n’est pas dupe : Irénée l’observe à la dérobée.
Elle revoit, muettement ravie, leurs escapades enfantines où le rose de leurs joues était encore empreint de naïveté. Puis leurs jeux adolescents, le temps des découvertes et leurs premiers baisers. Après tant et tant d’automnes esseulés, Eugénie se souvient encore combien le contact de ses doigts sur ses hanches l’enflammait. Ses souvenirs sont intacts, son amour toujours vivant. Lorsque la guerre éclatat, Eugénie avait 24 ans. Irénée partit, Eugénie l’attendit. Chaque lettre reçue fut comme un baume sur les blessures d ‘un quotidien en guerre. Puis il n’y eut plus de lettres. Eugénie attendit encore. Les années passèrent…
Lorsqu’à l’Automne 55 Irénée reparut au village, Eugénie était mariée depuis 6 ans. Elle avait, par lassitude et parce que la chair est chair, consenti à accorder ses faveurs à un lieutenant polonais que la douceur de la France avait conquis et qui su ébranler les certitudes de l’exquise Eugénie en jouant sur son violon les joyeux airs folkolriques de son pays natal. Le retour d’Irénée au village ne fut pas si glorieux qu’il eut dû. Une amnésie réelle ou volontaire le dispensat de toute explication. Et le silence, entre eux, s’installat.
Mais bien que la rancune douloureuse de l’un et la repentance contrite de l’autre fussent atténuées un temps par la disparition prématurée du soldat slave, le mur invisible qu’ils avaient contruit entre leurs deux solitudes perdura.
Irénée persista dans un silence tenace qui ne prit toute sa valeur que par le spectacle qu’il en donnat. Ainsi, jour après jour, chacun put s’observer, exposer avec plus ou moins de sobriété l’étendue de sa douleur, finalement c’est ainsi qu’ils choisirent de continuer à s’aimer.
Loin des amours ordinaires ou des passions passe-partout, leur fidélité fut exemplaire. A quelques mètres l’un de l’autre, n’ayant pour communiquer qu’ un rituel fait de fausses coïncidences, de rencontres fortuites derrière deux fenêtres, de mises en scènes pudiquement destinées à l’autre, ils organisèrent toute une vie de concert.
Continuer à se voir leur permit sans doute, certains soirs, de ne pas hurler de dépit et si l’amour est le sel de la vie, leur purgatoire mutuellement imposé en fut en quelque sorte le poivre.
Mais aujourd’hui, pour Eugénie, une sourde inquiétude vient de naître. Irénée s’est allongé sur sa couche, à quelques pas de la fenêtre. Elle le voit distinctement, elle ressent sont mal-être.
Et si, …
Finalement, contrairement à la majorité de celles qui l’ont précédée, cette journée ne sera point trop mélancolique car le soleil, par touches imprévisibles, crève l’épaisseur des nuages gris et donne à l’ambiance feutrée de ce dimanche désoeuvré, juste son quota d’espoir dans l’attente de lendemains fleuris.
Demain, elle franchira la ruelle et parlera à Irénée.
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